Les marseillaises - Berlioz versus Gainsbourg

23/12/2015 19:15

La chanson révolutionnaire est un genre musical appelant à l’insurrection

ou célébrant la révolution, né en France à la fin du XVIIIe siècle, issu d’une tradition chansonnière satirique ou contestataire plus ancienne.

Lorsque le royaliste Rouget de Lisle compose le chant de guerre pour l’armée du Rhin, en 1792, il n’imagine pas qu’elle va devenir un chant révolutionnaire.

En effet, c’est d’abord un chant patriotique pour soutenir la France contre les armées prussiennes.

Les volontaires de Marseille l’ayant entendue avant leur départ, l’entonnèrent durant le trajet qui les conduisait à Paris, pour le rassemblement des troupes françaises.

Ces soldats la rendront populaire, d’où son appellation actuelle. Ce sont les événements politiques qui l’inscrivent dans la mémoire révolutionnaire, avant qu’elle ne devienne la Marseillaise, hymne national en 1879.

 

De grandes manifestations populaires sont organisées dès les dernières années de la monarchie (1789-1792) et se multiplient à partir de la proclamation de la République. Dans ces fêtes, la musique de plein air joue un rôle prépondérant et le peuple en est non seulement spectateur mais aussi acteur et interprète (« Dansons la Carmagnole », « Ca ira »).

Ces chants permettent d’entretenir dans la mémoire collective le souvenir de ces événements. Ils ont donc :

- des paroles en langage courant, répétitives, avec des rimes

- des mélodies simples, qui restent dans le medium; plutôt courtes

- des rythmes simples, dynamiques et répétitifs

La version d'Hector Berlioz date de 1830 (période romantique). Elle développe un style pompier, c'est à dire très académique, rigoureux et énergique (presque violent) qui ne laisse pas de place pour la subtilité et l'originalité.

Il y mélange la musique populaire (la Marseillaise) avec la musique savante (écrite sur partition) en intégrant des voix d'opéra.

La présence des percussions est une vraie révolution, opérée par Berlioz. En effet,  jusqu’à cette époque, ils se limitaient généralement aux timbales, dans des rôles purement anecdotiques. Hector Berlioz va bousculer les certitudes du classicisme (en vigueur à son époque) avec ses œuvres symphoniques, si riches de nouveauté et d’originalité : effectifs colossaux de ses compositions, caractère héroïque et passionné de son inspiration, contrastes brusques, parfois même brutaux, virtuosité...

 

La version de Serge Gainsbourg, Aux armes et caetera date de 1979. Il y psalmodie les parole de l'hymne national sur un rythme de reggae. Il utilise ici la technique du talk over (parlé sur une musique) issue des Sound system jamaïcains : elle serait appelée slam aujourd’hui. Un scandale éclate car si certains perçoivent cette version comme un outrage, cela réveille une forte polémique sur la dualité de l’hymne français.... Pourtant, cette version n'est pas iconoclaste (qui détruit les icones): elle correspond à la virgule près à l'originale.

 

Vidéo : le concert de Strasbourg a été annulé car des groupuscule d'extrème droite ont fait des alertes à la bombe et débarqués en masse au concert. les musiciens jamaïcains, apeurés, refusent de monter sur scène. Gainsbourg chante alors la Marseillaise a capella et fini par: "je suis un insoumis, et j'ai redonné à la Marseillaise son sens initial !"

Quelques années plus tard, Gainsbourg achètera, lors d'une vente aux enchères, la partition manuscrite originale où Rouget de Lisle a marqué "Aux armes et caetera" à chaque reprise du refrain...
La chanson révolutionnaire peut se concevoir et s’appréhender de deux manières. Il y a d’un côté la chanson « prérévolutionnaire », celle qui prêche la révolution ou l’appelle de ses vœux, et de l’autre la chanson « postrévolutionnaire », qui véhicule la liesse des vainqueurs et célèbre le triomphe et les vertus du nouveau pouvoir en place.

Du fait de son ancienneté, cette tradition française a eu une influence considérable sur la culture insurrectionnelle de la plupart des nations en attente de libération, par exemple : la révolution russe (les insurgés d’octobre 17 chantaient « la marseillaise »), cubaine « Che Guevara », les révoltes africaines contre les dictatures....